Chabatz d'entrar !

Chabatz d'entrar !

Le paysan limousin en 1789

« ….. La province du Limousin comprend le sol le plus ingrat du royaume ; la semence n'y donne tout au plus que trois de net par an, en faisant supputation de vingt années ; ses vallons, noyés d'une infinité de sources qui filtrent près de leur surface, ses montagnes qui n'offrent au travail qu'un terrain sec et sablonneux, ne produisent, en grande partie, que deux ou trois récoltes après le défrichement, et l'on est obligé de les laisser incultes plusieurs années, pendant lesquelles la bruyère, qui est leur seule production, suffit à peine à la nourriture de quelques brebis, dont le revenu est de la plus mince valeur dans cette province.

« Aucun débouché, un grand éloignement de la mer, point de rivières navigables, un commerce d'exportation borné à la vente de ses bestiaux, le seigle et le peu de froment récoltés suffisent à peine à la nourriture du colon dans les années ordinaires, et ne peuvent se débiter par la difficulté des transports dans les années abondantes.

« Un pain de seigle, dont le son fait la moitié de la substance, est la nourriture du paysan limousin qui ne s'abreuve que de l'eau arrose son pacage ; le droguet fait son vêtement, le sabot sa chaussure ; il dispute à ses bestiaux une partie du chaume destiné à les nourrir, pour se mettre à l'abri des injures de l'air ; l'homme n'est qu'à demi couvert, le bétail n'est qu'à moitié nourri…..

« …..En présentant le tableau affligeant, mais nullement exagéré, des maux qui se réunissent pour accabler notre province, nous croyons devoir faire remarquer, pour la réussite de nos réclamations, que personne n'ignore en France que le paysan limousin est le plus pauvre, le plus malheureux.

« Eh ! quelle partie du royaume mérite plus d'attirer sur elle le coup d'œil d'un gouvernement actif et vigilant ? Le peuple y est bon et fidèle ; on en tire d'excellents soldats ; les chefs des régiments qui en ont beaucoup réuni dans les corps qu'ils commandent, leur rendent la justice de dire qu'ils ont toutes les qualités qui constituent le bon défenseur de sa patrie : sobriété incroyable, subordination facile, vigueur indomptable…..

« ….. Les habitants industrieux vont ailleurs chercher à réparer, par leurs travaux, l'ingratitude du sols qu'ils cultivent ; et le même village qui fournit des maçons à la Hollande fournit aussi des moissonneurs à l'Espagne. Les émigrations sont fréquentes et nécessitées, quoique nuisibles à l'agriculture ; l'industrie de l'habitant supplée à ce que lui a refusé la nature avare, et il rapporte au sein de sa famille un secours nécessaire, mais jamais abondant….. »

 

 « Cahier de l'ordre de la Noblesse des sénéchaussées de Limoges et Saint-Yrieix, dans le Haut-Limousin » pour être porté par ses députés au Roi, dans les Etats-Généraux qu'il a convoqués à Versailles pour le 27 avril 1789.

 

Communication de Didier BARBIER.



17/01/2008
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