Quand l'Histoire s'invite dans une famille de Compreignac....
Quand l'Histoire s'invite dans une famille et devient trop grande pour elle....
Le 27 Décembre 1700 s'éteignait Pierre Rejaud , meunier du Baron de Compreignac au moulin de Pontabrier à l'âge de 80 ans .Ses descendants ( nombreux ) tiendront eux aussi ce moulin et aussi ceux du Grudet à St Symphorien , de l'Echoisier à Bonnac , du Pillet à Beaune et sans doute d'autres pendant près d'un siècle.
Ce sont les moines de Grandmont qui ont mis en valeur cet étang qui appartient au seigneur depuis 1619 .En 1742 , c'est Léonard Rejaud qui l'afferme pour «80 setiers de bled seigle mesure de Limoges » et le moulin compte quatre meules (deux à seigle ,une pour le chanvre et une pour le millet ) .
A la révolution , parmi les occupants du moulin , Jeanne Rejaud et son époux Pierre Deglane qu'elle a épousé le 10/02/1779 à Chamborêt ou il est alors meunier au moulin de Vaux . Pierre ne semble pas d'un caractère facile car il a de nombreux incidents avec ses concitoyens , mais rien de grave jusqu'à…1792 . Une loi sera promulguée obligeant à assécher tous les points d'eau afin d'y semer des céréales mais l'ordre en avait été donné bien avant et le meunier avait refusé .
Le 10 Ventôse an II (fin Fevrier 1794 ) son cas est évoqué en séance et il est sommé de s'exécuter mais le 5 Mars il est de nouveau convoqué , il allègue qu'il n'a pas pu réunir les matériaux ni les outils nécessaires et son attitude est jugée pour le moins incivique . Sans doute des paroles vives ont du être échangées et tout est en place pour le drame à venir .Ses propos sont rapportés au Comité de surveillance de Compreignac et consignés ; le Comité décide de sa mise en arrestation et il est « traduit devant l'accusateur public du département , signé Grateyrolle presidant »
Un P.V. est adressé à Bellac qui suggère pour sans doute calmer le jeu de refaire une information mais Compreignac ne veut pas lâcher son os et force est de constater que le 8 Germinal an II l'affaire devient « de la compétence du tribunal révolutionnaire » Il comparaît devant le Conseil Général du district de Bellac puis prend la route de Paris ou il sera incarcéré à la Conciergerie puis transféré à la prison de l'hospice national .
L'interrogatoire aura lieu le 6 Floréal. Il nie tout, mais comprend-il tout de cette farce dans une langue bien éloignée du patois ?. Le 27 Prairial avec dix autres personnes qui comme lui avaient « conspiré contre la liberté et le gouvernement républicain en cherchant à avilir les autorités constituées » , le verdict tombe : la mort .
Ce 27 Prairial (15 Juin 1794 ) la vie de Pierre Deglane s'est arrêtée .il a trente-six ans .On l' enterrera au « jardin Picpus » sous le N° 355 .
Les épreuves n'étaient pas finies pour Jeanne : le 8 Prairial an V elle verra mourir son fils âgé de 4 ans, noyé dans le Vincou .
On retrouve la trace du meunier sur la site des guillotinés de la révolution mais déformé en Degleme dit Lafleur natif de St Sauveur (en fait St Jouvent )domicilié à Compiegne. Qui de nous n'a fait pareille erreur de lecture d'actes anciens ?
Dans notre famille je n'avais jamais entendu parler de cette histoire qui concernait le beau-frère de mon sosa cent-six , mais deux siècles ont passé !…
Lucette MALAURIE
Sources : A.D. 87 mais surtout « Compreignac : Un meunier dans la tourmente » de Simone Pouret ( monographies des villes et villages de France )
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