1719 : De l'honneur d'une femme à Saint-Brice
Extrait de la Justice Seigneuriale de Saint-Brice, relevé par Dominique Auclair
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Transcription ci-dessous par Dominique Auclair
[page 1]
A Monsieur le juge
De la juridiction de St
Brice
Supplient humblement Martial Bernard
Tuilier demeurant au village de la Malaise
(et Jeanne Compagnon sa femme)
Disant en se plaignant qu’il y a environ cinq
Semaines que Jean Queyroix aussi tuilier
Travaillant ensemble et gages de Géral Heublé
Fermier de la tuilerie ne fait journellement
Par un esprit de vengeance et de haine qu’il
A conçu contre le suppliant sans qu’il lui en ai
Jamais donné le sujet, bien au contraire le
Traitait en ami et en compagnon, que le qualifier
Et traiter de bougre, de cornard, de bourrichon, lui
Disant qu’il a baisé la dite suppliante sa femme
Et qu’elle est une putain connue et qu’il le lui
Justifiera ; notamment jeudi dernier il y eut huit
Jours étant à travailler à ladite tuilerie sans
Aucune raison le dit Queyroix commença à son
Ordinaire à insulter le suppliant de paroles [tendancieuses ?]
Son dessein à le maltraiter et pour cet effet il dit
Au suppliant que Jeanne Vergnaud sa belle-mère
Etait une putain publique et qu’elle faisait ce
Commerce, il y avait sept à huit ans pour tous, ledit
Suppliant lui a répondu qu’il avait tort de traiter
De la sorte sa belle-mère qui était une très honnête
Femme et sans aucun reproche, mais non content
Ledit Queyroix décréta qu’elle n’était pas seule,
Que sa fille, femme dudit suppliant l’était bien
Aussi et qu’il lui justifierait comme ci-devant qu’il
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Etait un cornard, qu’il avait baisé cent fois sa
Femme et qu’il était là même quant il voulait
Mais en un mot de se taire, qu’il était un bougre
De bourrichon, de quoi irrité ledit suppliant lui
Répliqua qu’il mériterait quelque chose et qu’il
Devrait le laisser en patience, mais qu’il l’obligerait
A lui faire réparation d’honneur, tant à lui, sa
Femme qu’à sa belle-mère et à l’instant le dit
Suppliant lui dit qu’il soutiendrait ce qu’il avait
Avancer, devant et en présence de sa femme, ce que
Ledit Queyroix dit hardiment [ ?] et qu’il n’avait qu’à
La faire venir et de fait ledit suppliant se
Retira et fut chercher sadite femme et l’ayant
Abordée, lui dit qu’elle lui causait bien des
Reproches par Jean Queyroix qui l’avit traité
Depuis bien longtemps et la traitait actuellement
De cornard et elle de putain, disant qu’il avait couché
avec elle et qu’elle n’avait que l’aller trouver et se
justifier du tout, autrement qu’ils ne vivraient
jamais bien ensemble et qu’elle passerait de
mauvais quarts d’heures, de quoi la pauvre fille
touchée, étant toute en pleurs et désolée des sanglots,
reproches à elle si injustement faits étant
d’ailleurs d’un âge assez tendre d’environ seize
à dix sept ans, mariée depuis neuf mois, en
n’ayant rien tant à cœur et en recommandation
que son honneur, fut trouvé ledit Queyroix
et lui dit en présence de son mari malheureux,
quel transport de rage et de fureur t’a porté
à déchirer de la sorte ma réputation qui est si bien
établie et sans aucune absence et par quelle
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Audace et quel comportement de désespoir as-tu bien eu
Le front de te flatter et te vanter, que tu
M’avais approché, si je ne craignais Dieu qui me
vengera un jour, je t’enfoncerai mon couteau
Dans le ventre mais il n’avait de garde de le
Soutenir puisqu’il avait témérairement avancé
Et le dénia formellement sur le champ mais ledit
Queyroix n’hésita pas longtemps dans ce dessein que
Incontinent que la suppliante se fut retirée il
Retourna à la charge tout comme auparavant et
Publia hautement qu’elle était une putain, mais le
Suppliant qui est un homme de paix et de tranquillité
Porta tout sous silence, craignant le plus grand désordre
Jusqu’à lundi dernier, que ledit Queyroix toujours
Emu et furieux dit audit suppliant qui était à son
Travail, qu’il ferait mieux de s’en aller d’auprès de lui
Qu’il lui jouerait quelque mauvais tour, ledit suppliant lui
Répondit qu’il ne lui faisait aucun mal et qu’il le laisse
travailler en paix ; alors ledit Queyroix lui répliqua
tu es un bougre de bourrichon, ôte-toi de devant
moi j’ai baisé ta femme, tu n’en dois douter, avec
des expressions que l’oreille ne peut supporter ni
que la bienséance ne peut permettre et sans se
départir de son discours, se jeta à corps perdu sur ledit
suppliant, lequel à peine eut le temps de s’en apercevoir
et moins encore de se garantir de ses fureurs et violences
toutes lesquelles paroles, injures atroces, menaces et
voies de fait méritent punition et réparation étant
proférés tant contre la réputation dudit suppliant,
sa femme que sa belle-mère qui ont toujours
vécu en honnêtes gens, quoique pauvres et
sans reproches, ce qui fait que lesdits suppliants
en rendant leur plainte, requérent qu’il leur
soit permis d’informer des faits ci contenus à
(fait au bourg de Saint-Brice le 30 juillet mile sept cent dix neuf)
[page 4]
L’adjonction de monsieur le procureur d’office
De la présente juridiction
Témoins déclarant se rendre partie formelle
Et affirmant par serment leur dite plainte
Et ont lesdits suppliants déclaré ne
Savoir signé et ont constitué pour leur
Procureur Mre Léonard Codet procureur
En la juridiction qui a signé
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