Chabatz d'entrar !

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"Casser son écuelle"

 

De celui qui vient de mourir, on dit aujourd'hui, avec quelque désinvolture, « qu'il a cassé sa pipe ».

Jadis et naguère, Les Limousins « cassaient leur écuelle » (plutôt en Haut Limousin) ou « laissaient leur écuelle » (en bas Limousin)

D'où vient cette expression ?

Il faut d'abord savoir , pour la bien comprendre, que la vaisselle était réduite, jusqu'au début du XXème siècle, dans les campagnes mais aussi dans les quartiers populaires des villes, aux plus élémentaires besoins, comme en témoignent les inventaires après décès.

 

Ecuelles en bois du XVème siècle retrouvées rue de Lutèce à Paris (source : La vie des Français au temps de Jeanne d'Arc - Ed Larousse 2003)

Jusqu 'au XIXème , cette vaisselle était fabriquée et vernis par les potiers, ceux de Duris, de Magnac-Bourg, de Rochechouart, de Thiat, par exemple.

 Pour cette raison essentielle, et parce que chacun aimait bien conserver son propre couvert, le père de famille, plus encore que son épouse, s'attribuait une écuelle qui avait valeur symbolique parce qu'on y prenait, sous forme de soupe, l'essentiel de l'alimentation, quelquefois au lever (préparée la veille, elle coumait après au foyer), au déjeuner et …au souper.

La plupart des hommes ne trouvaient bonne la soupe que dans leur écuelle qui n'était pas souvent lavée, mais retournée sur la table- et marquait la place réservée au pater familias – ou sur la maie.

Dans le temps, la soupe était la vie, comme l'écuelle attachée à son propriétaire. Si elle venait  à se fendre, on se hâtait de la cercler d'un fil de fer, lo fresso ou même d'en maintenir les deux parties avec une agrafe métallique. Quand on devait utiliser une écuelle neuve, il fallait auparavant, dit Albert GOURSAUD, l'assainir, c'est-à-dire l'emplir de cendre, la mettre dans le four chaud pour qu'elle craquelle et perde son odeur de terre argileuse.

Aussi, quand survenait un décès, on ne séparait pas la personne et l'écuelle, qui l'avait nourri et accompagné souvent dès l'enfance. Elle était placée au chevet du mort, remplie d'eau bénite, avec le brin de buis servant d'aspersoir : elle devenait ainsi pourvoyeuse d'éternité. Quand le cortège- le cercueil porté à l'épaule, jadis le corps dans un drap blanc cousu- quittait la maison pour suivre, jusqu'à l'église, le « chemin des morts », l'écuelle l'accompagnait. Selon les pays limousins et les coutumes locales, elle était soit brisée à la sortie du territoire familier, le village ou hameau, sur le socle de la croix de carrefour, soit déposée sur la tombe (on peut encore voir quelques bols, à défaut d'écuelles, sur les tombes de la Basse Marche).

L'écuelle est dite, en haut Limousin, escunio ou escuello, et plutôt escudélo en Corrèze. La petite écuelle était escuniou et son contenant l'escuélado ou escunlado.

Extrait trouvé sur un site internet Pour en savoir plus aller sur :

http://www.saint-setiers.com/TRADITION/Contesetlegendes/contesetlegendes.htm

Origine mystérieuse

« Même si l'origine exacte de cette tradition reste mystérieuse, on ne peut s'empêcher de penser à des pratiques funéraires antiques, dit Andrée ALIGROS (Pays du Limousin, n° 19-octobre 2005)

Les gallo-romains enterraient leurs morts avec des pièces de vaisselle.

A la fin du Moyen-Âge, les corps étaient accompagnés de poteries d'eau bénite

Et au début du XIXème siècle, le défunt était enseveli avec son écuelle.

Il semblerait que la pratique des bols soit apparue à la fin du XIXème siècle et qu'elle soit encore de rigueur »

('A lire les rituels creusois : NECROPOLES, CIMETIERES, ARTS ET PRATIQUES FUNERAIRES Société des Sciences naturelles , archéologiques et historiques de la Creuse.)

Sur cette tombe (tombe située au cimetière de Ladapeyre), un poème a été gravé :

Le Bol de la dernière tisane

Le bol de la dernière tisane

Veille sur la fleur qui se fane

Des destins se sont croisés

Désormais se sont retrouvés

Les mots d'amour qu'on n'entend pas

Montent vers les cœurs las

Des souffrances, leurs chairs apaisées

           Attendent le jour béni de l'éternité

 

Mise en page Marianne Laplaud, dite Mamie Marianne

photos couleurs : Pays du Limousin n° 19-octobre 2005

Textes : Jean-Claude Pasquet pour son site internet sur  Saint-Setiers http://www.saint-setiers.com/TRADITION/Contesetlegendes/contesetlegendes.htm 



24/10/2006
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