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Les ganteries de Saint-Junien

Les ganteries de Saint-Junien

 

Quand on navigue sur la Vienne et qu’on s’approche de Saint-Junien, on aperçoit sur les rives les ruines d’anciennes mégisseries et ganteries qui avaient fait la gloire et la prospérité de cette commune. Les fortes odeurs de peaux sanguinolentes ont laissé place à la désolation

 

 

Que s’est-il passé ?

 

De tout temps, l’Homme a toujours essayé de se protéger des intempéries en utilisant les peaux des bêtes tuées au cours de leurs chasses. Ces peaux, utilisées à l’état brut étaient facilement altérables, desséchées par l’air, putréfiées par l’humidité et vite usées par le frottement.

 

Il fallut donc trouver un moyen pour transformer cette peau brute en cuir souple, résistant et imputrescible. C’est l’Egypte antique qui a mis au point les premières techniques de tannage, techniques perfectionnées en Chine.

 

 

Les tanneries

 

 

Dès le 11ème siècle, des tanneries s’installent sur les rives de la Vienne, une rivière aux eaux extraordinairement pures et sans calcaire. Elles ont choisi Saint-Junien car cette petite ville est située en pays d’élevage et dans un bassin fortement peuplé. Le travail des peaux demande beaucoup de main d’œuvre .

L’apprentissage d’un tanneur était alors de cinq ans et chaque maître ne pouvait avoir que deux apprentis. Tout apprenti tanneur, pour devenir maître, devait faire son chef-d’œuvre, comme cela se pratiquait dans toutes les corporations.

Le travail est très pénible et chaque opération de tannage est conduit par de nombreux ouvriers.

Dans son ouvrage « Le parfum de Patrick Süskind », le travail du tanneur et les différentes odeurs de la tannerie y sont très bien décrits.

De chef d’œuvre en chef d’œuvre, certains tanneurs se spécialisent et deviennent mégissiers. C’est à dire qu’ils se spécialisent dans la préparation des petites peaux d’agneaux et de chevreaux, qu’ils transforment en cuir pour gants.

 

Dès le 12ème siècle, la renommée de ces gants se répand. Les abbés et les prévôts sont clients.

 

Au 15ème siècle, cette renommée a déjà franchi les limites de la province et voici ce qu’en dit le Père Bonaventure, chroniqueur de l’époque : Le 2 juillet 1463, Louis XI, revenant de Bayonne, vint coucher à Saint-Junien…Les Syndicats de la ville, à la tête des corporations, défilèrent devant le roi, et les gantiers furent admis à lui offrir des gants pour Lui et sa royale Compagne »

Devant ce succès, les tanneries disparaissent peu à peu, remplacées par les mégisseries.

 

Les mégisseries et ganteries

 

Le nom de ces industries vient du produit utilisé pour le tannage des peaux, le mégis

 

Mégis

Le mégis était un bain de cendre et d'alun qui était employé pour mégir les peaux.

 

Une autre définition du mégis : Sorte de pâte liquide composée d’un mélange d’alun, de farine de froment, de jaune d’œuf et de glucose, qui donnera le surnom de « blanchiers » aux mégissiers de la petite ville.

Le mégissier est le nom donné au  professionnel en mégisserie.

 

Ces mégisseries de Saint-Junien, sont implantées en bord de Vienne, sur le quai auquel elles ont donné leur nom. Les plus grands établissements de mégisserie se sont rapidement dotés d’équipements de lavage de laine.

Les peaux mégissées alimentent principalement les ateliers de gantiers.

 

 

Au 16ème siècle apparaissent les noms de Laurent BAYET, Jean SOURY, Pierre Des HARSES, maîtres gantiers, et un siècle plus tard, on compte 17 marchands gantiers, et au 18ème , déjà 30.

La fabrication des gants n’est pas soumise à beaucoup de restrictions. On enjoint seulement aux maîtres, de fabriquer toutes leurs pièces de cuir neuf. Le nombre d’apprentis n’est pas limité. Ils ont le droit d’ouvrir le dimanche pour vendre des gants aux retardataires à l’office…

 

La mode des gants atteint son apogée au 16ème siècle. Les principaux centres de fabrication française sont : Annonay (Ardèche), Paris, Millau (Aveyron), Saint-Junien (Haute-Vienne)et Chaumont (Haute-Marne).

 

La renommée des ganteries de Saint-Junien est telle que Madame de Sévigné, dans une lettre datée  du 15 juin 1671, fait à Madame de Grignan, sa fille, une description élogieuse des gants de « canepin » (n. m. XIVe siècle. Origine inconnue. Peau d'agneau ou de chevreau, d'une extrême finesse, dont on faisait des gants de femme et dont on se servait pour éprouver la qualité des tranchants délicats, lancettes, bistouris, etc)

 

Le 19éme siècle va bouleverser les procédés de fabrication des gants.

L ‘année 1872 marque un tournant dans l’industrie gantière mondiale. C’est l’arrivée de l’emporte-pièce et de la machine à coudre. Le gant peut-être fabriqué à bas prix. Dès lors, la seule façon pour la ganterie française d’imposer ses produits aux consommateurs passe par une qualité supérieure.

 

L’industrie du gant fait travailler à domicile environ 300 familles. En 1910, la ganterie de Saint-Junien représente le seizième de la production française.

L’industrialisation, la modernisation des machines créent des revendications de la part des ouvriers gantiers. Elles portent sur les salaires qui n’ont pas augmenté depuis quelques années, au contraire ! Pour mettre en service des machines plus modernes, on ampute leurs salaires de 10% environ. 

De plus, ils continuent de travailler 12 heures par jour, alors que la loi de 1900 a réduit la durée journalière du temps de travail à 10 heures (c’est ce qui se passe à l’usine Desselas, par exemple)

 

Les ouvriers, regroupés en Syndicat des cuirs et des peaux, se liguent contre leurs patrons. L’été 1905 est très dur pour les Saint-Juniauds.

Pour en savoir plus, voir : http://cnt87.org/index.php?option=com_content&task=view&id=16&Itemid=2

 

La concurrence est vive, la peausserie chère. Les ganteries connaissent des productions en dents de scie.

Pourtant l’activité se maintient. L’intendance militaire commande des gants de peau. Quelques fabriques éviteront ainsi la chute. Le gant de luxe, lui, est à son apothéose : la renommée de certaines maisons fournisseurs des grands couturiers comme Jacques FATH, Christian DIOR, Hermès, explique la place qu’occupent sans partage les gants de Saint-Junien, à l’exportation (vers l’Angleterre et les Etats-Unis principalement)

 

Pourquoi alors toutes ces mégisseries laissées en ruines sur le bord de la Vienne ?

Tout simplement parce que la fabrication du cuir a changé. Il a fallu moderniser cette industrie, la diversifier. Les anciens bâtiments ne sont plus fonctionnels. De nouvelles mégisseries sont nées.

A Saint-Junien, il en reste 3

 

q       Léon COLOMBIER , grand-père des propriétaires actuels, crée sa mégisserie en 1925  mais les bâtiments actuels datent de 1952 . Pour en savoir plus voir : http://www.tannery-colombier.com/entreprise.htm

 

q       La Ganterie AGNELLE, est une entreprise familiale créée en 1937. Elle jouit d’une grande renommée. Le travail du cuir se fait dans les mégisseries HERVY et la transformation, au sein des ateliers AGNELLE. Elle est établie à Saint-Junien et aux Philippines. En savoir plus http://www.agnelle.fr

 

q       La ganterie Georges MORAND. En savoir plus http://www.georges-morand.fr

 

Quelles peaux pour quels cuirs ?

 

Extrait de la revue :Nos ancêtres « Vie et Métiers » N°14 de juillet-août 2005

 

q       La peau de buffle, à fabriquer des objets nécessaires à l’équipement militaire et les cuirs à rasoirs (mon père en possédait un qui servait à affûter sa lame de rasoir)

q       La peau de vache donne les cuirs dits « mous » dont les usages sont multiples.

q       Les peaux de cheval, de sanglier, de porc et de mulet sont employés dans la sellerie.

q       La peau de taureau sert pour les capotes de voitures et les semelles intérieures de souliers

q       La peau de taureau est plus solide, plus indéformable et moins élastique que la peau de vache. La peau de vache est en effet un peu plus distendue et moins solide en raison des vêlages.

q       Les peaux d’agneau et de chevreau sont utilisés à la fabrication des gants

q       La peau de chèvre sert à la chaussure et à la maroquinerie

q       La peau de chien , après corroyage, est travaillée par les cordonniers

q       La peau d’âne sert à garnir les caisses de tambour

q       La peau de cygne est réservée aux éventaillistes

q       La peau de requin sert sous le nom de galuchat (nom de son inventeur Mr Galuchat, qui, le premier utilisa les peaux de poissons de manière originale, autre que son utilisation comme abrasif, en chirurgie par exemple pour enlever les durillons et les cals) à divers usages en maroquinerie, en coutellerie et en ébénisterie, mais aussi dans l’industrie pour polir l’acier, faire des courroies, à garnir les pistons des pompes à eau »

 

 

Quelques étapes du travail de la mégisserie (premier quart du 20ème siècle) 

 

 

Le mégissier réduit l'épaisseur de la peau

 

 

Le polissonneur ouvre la peau côté chair en la frottant sur une lame circulaire

 

 

Le teinturier étend la teinture sur la peau à l'aide d'une brosse

 

 

Le mesurage de la peau avant la vente au frabricant gantier

 

De nombreux sites peuvent vous donner plus d’informations sur ce sujet :

 

Sur le site : http://fautpasrever.france3.fr/fautpasrever_semaineproch_detail.php3?id_article=97&id_rubrique=13

Objet de parure, symbole de pouvoir, gage d'amour ou encore signe de reconnaissance à une caste sociale, le gant a bâti la renommée de Saint-Junien, depuis le Moyen Age. Aujourd'hui, il ne reste plus que trois ganteries dans cette petite ville du Limousin. Elle n'en est pas moins le premier centre français du gant. C'est ici qu'ont été fabriqués les gants portés par de nombreuses stars d'Hollywood, en particulier ceux de Marlène Dietrich dans l'Ange bleu. Passé de mode dans les années soixante, cet accessoire sophistiqué inspire de nouveau les plus grands couturiers. Gaultier, Dior, Kenzo, Givenchy,... ils sont aujourd'hui nombreux à faire appel au savoir faire ancestral des gantiers de Saint-Junien.

 

Le site officiel de la ville : http://www.mairie-saint-junien.fr/

Un site réalisé par des collégiens de Saint-Junien http://collegelangevin87.net/techno/page2.htm .Ce site vous propose, de façon très illustrée, de faire la connaissance avec le patrimoine industriel de Saint-Junien (photos anciennes photos récentes)

 

Marianne LAPLAUD

Sources : Nos Ancêtres Vie § Métiers N°14 de Juillet/Août 2005

Remerciements : Martine Montaud

 

 

 

 



12/01/2007
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